L'élan des surfaces

Lecture sur bande son et sous projection vidéo, Lieu Commun, 2008
Ifly annonce


Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours dans l’élan des surfaces
Poussais loin mon caddie dans les pas et les traces
Qu’avaient laissé en moi les messages tenaces
Indélébiles taches de graisse et de crasse
Dont je me complais à contempler la face
Comme un suaire que délicatement je repasse
Que je surfile de perles de sourires et de strass
J’aime les images qui brillent en surface
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours parallèles aux rayons
Poussais loin mon caddie scintillant aux néons
Allait droit aux étapes connaissant la maison
La liste soumise au papier au carton
Qu’importe le support soulageant mon crayon
A la pointe des images gravées dans les sillons
De la galette molle me servant de raison
Dans l’absence de repère j’oubliais la saison
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
  
Je vivais des amours au gré des promotions
Poussais loin mon caddie dans toutes les directions
Vers les faux alibis et les vraies sensations
D’être enfin aimant comme un chien de salon
Aussi libre qu’animal privé de raison
Et bien dans mon corps engourdi de fréon
Dans mon propre liquide comme dit le glaçon
Heureux d’être heureux d’être en possession

Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours dans la joie et la grâce
Poussais loin mon caddie sur toute la surface
Des lignes académiques de la beauté tenace
La beauté des boites et sur toutes leurs faces
Et les promotions comme filet et puis nasse
Qui appellent et attrapent sans violence sans menace
Tout ce qui se distrait se laisse aller et passe
Tout pilote aveugle du véhicule sensas
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours parfois des passions
M’arrêtais pour goûter du plastique de saison
Des marques des coups oui ! Qu’on assène au  menton
Des uppercuts violents qui défont la raison
Des slogans des fusées  c’est bien  c’est beau  c’est bon
C’est pour vous c’est pour toi  je viens dans ta maison
Je m’invite en toi que tu le veuille ou non
N’aie pas peur aie confiance tu as court  je t’offre long
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours des arrêts aux couleurs
Poussais loin mon caddie qui roulait sans heurts
Mon caddie qui brillait de reflets comme des fleurs
De lumières clignotantes sur toute la hauteur
Des appels à la joie acheter quel bonheur
Et les messages si doux de cet animateur
Qui s’adresse à mon âme et à mon épaisseur
De livre-catalogues j’attendrais le facteur
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie

Je vivais des amours comme un tour en ballon
Poussais loin mon caddie un léger papillon
Laissant aller enfin toutes mes émotions
Surprenant alors une belle promotion
Magnifique entre gondole et plafond
Elle était la pour moi j’en avais des frissons
La posséder du regard en imagination
Je contemplais la grâce comme fit Actéon
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours comme de grandes fonctions
Poussais loin mon caddie dans une belle fiction
Des amours emballés de grande distribution
Un décor de fer doré de pliage en carton
De grandes allées d’interminables rayons
Un royaume réel j’en étais le roi non ?
Je peux tout posséder tout coller à mon nom
Tout pouvait devenir ma possession
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours profitais du moment
Poussais loin mon caddie moi derrière lui devant
Il était de mes pensées comme un prolongement
Pour le remplir bien sur il me faudrait du temps
Mais je savais hésiter et être patient
Lire les étiquettes quand le doute arrivant
Il me fallait connaître les vrais changements
Pour mon bien celui-ci serait plus doux qu’avant
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours sans peine sans tourments
Poussais loin mon caddie comme on court dans le vent
Butinant ça et là comme abeille au printemps
Des corolles sucrées de levant permanent
D’été prolongé et plus loin qu’errements
Je me laissais aller au plus doux châtiment
De me laisser aller encore aux boniments
Aux mensonges éhontés d’objets médicaments
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours et j’avais des amis
Poussais loin mon caddie reconnaissais ses bruits
Son roulement tendre de caoutchouc pétrit
Vibrations, tremblements ses non et ses oui
Par mes mains jusqu'à tout mon corps conduit
Tout l’orchestre du désir peut jouer en lui
Du scintillement du son presque à peine ouï
Au choc au rebond à l’accident maudit
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je poussais mon caddie ou bien lui me guidait
Lui mon esprit mon âme et mon soucis épais
Ordonne décide choisit m’emmène où je vais
Puis avale ingère de sa cage et si c’est
Ainsi que les hommes vivent alors je m’en vais
Voir derrière cette tête de gondole de biais
De travers j’ai le tournis mais ça ça me plait
D’être prit salit compissé rendu laid
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours nouveaux chaque jour
Je poussais mon caddie poussé à mon tour
Par la frénésie d’avoir à rester sourd
Au même instant comme des milliers autour
Dans l’élan des surfaces les rayons des labours
Les grandes séductions tournoiements des vautours
Les magnificences l’or les atours
Les slogans promotions comme des mots d’amour
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours enfant consommateur
Avec mon gros caddie je n’avais plus peur
A la fois phallus et ventre porteur
Je tendais mon bras le ramenais à mon cœur
Fouillais profondément la minute et puis l’heure
Pour trouver en promo un instant de bonheur
Une extase un orgasme du gratuit sur un leurre
Dans l’atteinte définitive aux bonnes moeurs
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours et j’en vivais encore
Je poussais mon caddie et de plus en plus fort
Ne voyant plus le bout ne voyant plus le bord
Abandonnais le monde à son triste sort
J’en étais tellement fou et tellement d’accord
Tellement vivant que le reste était mort
J’étais comme complet une victoire un record
Mon caddie débordait de mon propre débord
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
  
Je vivais des amours d’autres diront je fuis
Je ne fais qu’un amant avec mon bel outil
Mon véhicule parfait mon transport de caddie
Ça y est je décolle mon ventre est rempli
Je suis plein complet repu hardi
Sublime il est dense et je danse aussi
Parfait clos transcendant et ainsi je le suis
Je suis dans ce temple comme au paradis
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours jusqu'à l’overdose
A moi la vraie vie à moi toutes ces choses
Pour moi elles se rangent pour moi elles s’exposent
Se donnent sans dédain sans dégoût et si j’ose
Le plaisir elles l’ont là sur l’étiquette rose
Ça me touche ça m’émeut me bouleverse et je pose
Mes mains pinces premières érotiquement closes
Qui s’ouvrent brusquement ou plutôt explosent
 
Je vivais des amours
Poussais loin mon caddie
 
Je vivais des amours des bips répétés
Les lectures de code-barres le regard hébété
Le pouls est normal mais il faut surveiller
Trop de plaisir trop d’extases nuisent à la santé
Là il faut me calmer revenir au réel
La nuit du parking va être si belle
L’odeur du goudron le goût du diésel  
Mais je vole encore mon caddie ma nacelle
      
Me ramènera seul au rayon de l’amour
Où toute boîte tout blister voit le jour
Au pays merveilleux avec du plastique autour
Au pays merveilleux je veux rester toujours
Jusqu'à vivre à l’intérieur du caddie utérin
Grossir en lui mourir de sa main   
Sentir ses grilles me larder le bassin
Qu’il me prenne me couvre et me crève enfin.